Lutherie sur mesure
Il est fréquent qu’un luthier cherche à reproduire un instrument célèbre. Pour cela il a besoin d’un jeu de gabarits et d’outils réalisés sur mesure, capable de reproduire les particularités du modèle dans ses détails les plus subtils : asymétries, déformations, traces laissées par la main du maître ou créées par le temps. Les technologies modernes que j’utilise rendent ce travail accessible, avec un résultat d’une précision surprenante. Les possibilités sont immenses, il vous appartient alors d’en fixer les limites : souhaitez-vous reproduire les traces d’usure ? Les ondulations subtiles créées par le retrait du bois entre chaque fibre ?…
Pour réaliser ces outillages, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir accès à l’instrument original, il est généralement possible de travailler à partir d’un poster, d’un CT scan ou d’un jeu de photos de qualité, éventuellement complété par des mesures précises. La démarche consiste à retoucher les images à l’aide d’outils numériques pour éliminer les éventuelles déformations optiques, erreurs de parallaxe ou de perspective et à les mettre à l’échelle. Il est alors possible de s’en servir comme base pour tracer en CAO le profil des gabarits à créer. Enfin, le tracé est transformé en programme d’usinage ou de découpe laser et envoyé vers les machines chargées de la fabrication.
Ce processus peut s’avérer long et requérir un certain investissement de votre part pour prendre les décisions qui s’imposent au fur et à mesure de l’avancement et faire les éventuels compromis en adéquation avec la méthode de fabrication que vous comptez utiliser.
Si vous souhaitez vous lancer dans un tel projet, n’hésitez pas à me contacter pour savoir si l’instrument que vous visez a déjà été étudié ou non.
Je vous montre ci-dessous, des exemples de réalisation de tels outillages sur mesure.
Gabarits de la table et du fond


Ces gabarits permettent de tracer les contours de la table et du fond avant de les découper. Ils reproduisent les subtiles dissymétries laissées par le maître lors de la fabrication, ainsi que les zones d’usure (contact avec la main gauche sur le fond notamment). L’axe central tracé au laser permet un positionnement précis et les inscriptions permettent d’identifier ces gabarits.
Ils sont usinés dans du formica de 1 mm qui fournit la rigidité suffisante pendant que vous tracez au crayon le long du bord.
Gabarits «4 coins»


Double gabarit de tête


La volute est probablement l’élément qui traduit le plus la personnalité et le talent du luthier.
L’utilisation d’un double gabarit permet de reproduire finement les contours de chaque côté pour obtenir une disymétrie et des courbes identiques au modèle.
Gabarit de couronne
Lorsque le violon possède une couronne en ébène sur le bouton du fond, ce gabarit permet de la reproduire puis de tracer son emplacement et de contrôler le résultat final.

Gabarit des ouïes

La reproduction des ouïes est une des opérations les plus délicates car elle a un impact énorme sur l’esthétique de l’intrument mais aussi sur le son et la réactivité.
J’ai mis au point une technique qui consiste à utiliser la CAO en 3D pour projeter le contour des ouïes sur la surface voûtée de la table pour ensuite redéplier le résultat. Le profil obtenu est découpé au laser dans un film souple et transparent.
Lorsque le gabarit est plaqué sur la table, le contour original des ouïes et leur emplacement sont recréés avec une extrême précision.
Moule 3D

Sans doute le développement le plus spectaculaire : ce moule usiné en 3 dimensions permet de reproduire exactement la forme intérieure de la couronne d’éclisse avec toutes ses déformations.
Sur les violons anciens, ces déformations peuvent être importantes. Elles résultent de trois phénomènes :
– les asymétries et le voile issus du procédé de fabrication original
– le retrait dimensionnel du bois au fil du temps
– le fluage du bois sous les contraintes mécaniques produites par la tension des cordes.

S’il n’est pas souhaitable de reproduire les déformations liées à ce dernier phénomène (car elles continueraient de s’amplifier au fil du temps jusqu’à aboutir à un instrument totalement difforme), il peut être intéressant de reproduire celles liées aux deux premiers car elles contribuent au caractère unique de l’instrument.
Le moule 3D est composé d’une partie centrale classique sur laquelle sont fixées des contre-formes démontables. Celles-ci sont usinées en 3 dimensions pour reproduire les surfaces gauches sur la tranche où s’appuient les éclisses mais également sur le dessus côté table et sur le dessous côté fond.
Après construction de la couronne d’éclisse, celle-ci est mise à hauteur en suivant les limites hautes et basses des contre-formes puis ces dernières sont démontées individuellement pour pouvoir mettre en place les contre-éclisses. Enfin, lorsque seule la partie centrale subsiste, le démoulage s’effectue comme d’habitude.
